LE BATEAU-LAVOIR

de Jacques PREVERT


Il était un bateau-lavoir

Amarré au bord de la Seine (*)

Dont le patron rêvait de voir

La mer comme un vrai capitaine

Un jour devenant fou soudain

Du bateau il brise les amarres

Et vers les océans lontains

V'là l'bateau-lavoir qui démarre

Avec ses lavandières, le patron,

Le linge sale et le savon

-

Ohé, les gars de Paimpol, de Quimper

Ohé, Ohé, les gars, écoutez tous l'histoire

Ohé, l'histoire du capitaine, lonlaine

Et de ses lavandières, lonlaine

Des lavandières qui battaient, battaient

Battaient, battaient, battaient des battoirs

Et du capitaine du bateau

Batteau, batteau, batteau, batteau-lavoir

-

Les lavandières qui bavardaient

Se croyaient encore sur la Seine

Sans se douter qu'elles naviguaient

Déjà dessus la mer Caspienne

A bord il n'y avait plus d'pain

Pas la moindre boîte de singe

Les femmes dirent "nous avons faim"

Le patron dit "bouffez le linge"

Ils mangèrent les chemises

Torchons, mouchoirs

-

Après avoir erré longtemps

Sur les océans d'la planète

Le bateau-lavoir finalement

Fut englouti dans la tempête

Et depuis ce jour on peut voir

Gabier signe-toi dans ta hune

Le fantôme du bateau-lavoir

Apparaître les nuits sans lune

Et quand il passe on entend souvent

Un bruit de bateau dans le vent

-

Ohé les gars de Paimpol, de Quimper

Ohé, Ohé voici la morale de l'histoire

Ohé cette morale est ancienne lonlaine

Elle date de nos grands-pères lonlaine

C'est qu'un capitaine de bateau

Bateau, bateau, bateau-lavoir

Ne doit point faire pout pout pout

Plus haut que son lonlaine


Note * : En l'occurrence c'est un bord de Mayenne !!!